Cette dernière course de saison a été sans aucun doute la plus éprouvante !
La fatigue était telle à l’issu de la course, je me suis tellement donné physiquement, j’ai tellement repoussé mes limites que les souvenirs de la course sont flous… la chronologie des 30 premières heures est claire mais sur les dernières 15 heures c’est un peu brouillon ! Voyons si j’arrive à mettre dans l’ordre toutes ces images et émotions qui trottent dans ma tête.
Pour le départ, des belles conditions : à nouveau sous le soleil de la méditerranée, une mer plate et le vent parfait pour avancer rapidement vers Minorque. Il a fallu de suite faire un choix stratégique entre la route directe et un écart de route vers le nord qui permettait de mieux de positionner avec la bascule de vent qui était prévue dans la nuit.
C’est toujours difficile de faire le choix de s’écarter de la route directe… J’ai donc coupé la poire en deux, ce qui n’est jamais top mais cela m’a permis tout de même de me positionner tout juste derrière le groupe de tête après les premières 24h de course.

La descente jusqu’à Minorque a été rapide, le vent était assez fort et le bateau filait. Difficile de dormir, mais si j’avais pu imaginer ce qui nous attendait pour la deuxième nuit, j’aurais bien trouvé le temps de faire plus de siestes ! 🙂
Le passage de Minorque a été dur pour le moral ! Un peu fatiguée, je n’ai pas fait le choix des bonnes voiles et je n’ai pas réussi à tenir le rythme et la vitesse du groupe de tête… Mes copains avec qui je « bataillais » dur sur toute la descente m’ont doublé, en à peine une heure j’ai perdu 4 places et je les ai vu s’éloigner avec leur grand spi alors que moi je peinais déjà à faire mes changements de voiles, un peu à bout de forces.
Ça surf, ça glisse, ça mouille ! La nuit est noire et je ne lâche pas la barre…
Le peloton de queue étant assez loin derrière, je me suis dit : bon bah maintenant on se repose, ceux de devant tu ne le rattraperas pas et ceux de derrière sont loin. AHHH !!!! Mauvaise tactique… 🙂 Il ne faut jamais lâcher ! Mais ça commence à rentrer, on en apprend tout le temps !
Je me force donc à me reposer un peu, je mange un bout, et enchaine quelques siestes en admirant, à chaque réveil, le soleil couchant sur les côtes de Minorque. Un spectacle magnifique !
Et puis bam ! On passe Minorque, on met route vers Barcelone et c’est fini la rigolade ! Le vent monte, la houle aussi et les conditions sont parfaites pour faire des pointes de vitesse avec le bateau. Je mets toutes mes forces ensemble, je balance le gennaker et le bateau décolle. Ça surf, ça glisse, ça mouille ! La nuit est noire et je ne lâche pas la barre… Au début en tout cas, car je suis impressionnée et j’ai peur qui tout explose si je quitte mon poste.
Mais petit à petit, je réalise que le bateau tient bon, qu’il est stable et là, c’est le plaisir qui prend le dessus sur l’appréhension ! Du vrai plaisir à chercher la vitesse, les surfs : absolument excellent ! Mais bon…au passage des rafales je perds plusieurs fois le contrôle du bateau. J’enchaine les « départs au tas » comme on dit dans notre jargon… et je décide de réduire un peu la toile.
J’ai mal à tous les muscles de mon corps mais il reste 60 miles encore, il faut tenir !
J’enchaine quelques changements de voile pour tout de même optimiser la vitesse et je consomme vraiment le peu de forces qu’il me restaient.Je n’en peux plus, je suis mouillée, j’ai froid, j’ai mal à tous les muscles de mon corps mais il reste 60 miles encore, il faut tenir !
Je m’écroule et j’enchaine quelques siestes de 20 minutes… chaque réveil est de plus en plus dur, je regarde mes voiles, je sais qu’il faudrait changer, qu’il faudrait remettre de la toile, mais je suis trop fatiguée ! J’économise les manœuvres et laisse filer un peu.
Mais je me retrouve à l’arrivée côte à côte avec un autre bateau, et là c’est fini la fatigue, je ne sens plus rien de toute façon et je me bat, je mets le spi, enlève le spi, remet le gennak, affale le gennak, enchaine les virements de bord dans la pétole ! Mais ça paye et j’arrive à passer la ligne d’arriver 10 minutes avant mon concurrent direct !
Et voilà, la course est fini et moi je suis tout simplement exténuée mais émerveillée d’avoir tenu bon !

Sur 48 heures j’ai mangé uniquement deux repas, avalé quelques barres de céréales qui étaient à porter de main, j’ai à peine dormi et j’ai passé plusieurs heures à me prendre des sauts d’eau de mer… et dire que j’adore ça ! 🙂
Parfois je me demande s’il n’y pas quelque chose qui ne tourne pas rond ! 🙂